Supplément au voyage de Bougainville, de Diderot
" Qui es-tu donc pour faire des esclaves..."
INTRODUCTION
Diderot est un philosophe des Lumières né en 1713. Il est issu d'une famille bourgeoise et est au départ destiné à être prêtre. Finalement, il vivra une vie de bohème. Ainsi, il est de tous les salons, crée une sorte de synergie et fréquente beaucoup de scientifiques. Diderot est un athée matérialiste et épicurien, qui s'intéresse au corps comme à une machine. Il passa à la postérité en devenant un représentant de son siècle et en étant un des créateurs de l'encyclopédie. En 1747, il entama la rédaction de l'encyclopédie dont le but était de faire la somme des connaissances disponibles en s'appuyant sur la raison, l'esprit d'examen. Ainsi, le projet visait à contrecarrer la superstition et l'obscurantisme ambiants de l'époque. La rédaction de l'encyclopédie durera jusqu'en 1765. Quelques années plus tard, sa visite à Catherine II de Russie l'épuisera et mettra fin à son idée de despote éclairé. Le Supplément au voyage de Bougainville est une réponse fictive au récit de voyage de l'explorateur Bougainville qui avait « découvert » l'Océanie. Dans ce texte, Diderot donne la parole aux victimes de la colonisation, les tahitiens dans le cas présent. Il joue donc sur le procédé d'inversion des regards pour dénoncer l'injustice de cette situation et au passage montrer du doigt les faiblesses des sociétés occidentales qui se disent pourtant « évoluées ». C'est un procédé stylistique très à la mode à l'époque de Diderot. L'extrait étudié ici est issu d'un dialogue et prend la forme d'un réquisitoire possédant une forte tonalité polémique. En quoi ce discours, prenant la forme d'un réquisitoire et critiquant la Bougainville et plus largement la société occidentale, fait-il, de manière sous-jacente, l'éloge de la vie sauvage ? Dans ce texte, la stratégie argumentative repose sur un réquisitoire qui fait un blâme de la société occidentale et l'éloge de la société tahitienne. Diderot mobilise ainsi le mythe du bon sauvage, préoccupation propre aux Lumières.
I). Le réquisitoire au coeur de la stratégie argumentative
a). Énonciation et utilisation des temps
Dans le texte, le pronom « nous » désigne le patriarche et le reste des tahitiens. Cela crée un collectif et donne de la force au discours. Le vieillard parle au nom des tahitiens et ceux-ci l'appuient dans ce qu'il dit. Ce pronom montre également l'importance de la communauté chez les tahitiens et l'harmonie qui y règne. Ainsi, il utilise le pronom « je» une seule fois dans le texte. Il oppose à ce « nous » le pronom « tu », qui désigne Bougainville. Au premier abord, on pourrait penser que ce « tu » sert à le dévaloriser. Cependant, il sert plutôt à créer un rapprochement entre Bougainville et les tahitiens, rappelant que ceux-ci sont frères, ce qui les rend égaux. C'est en effet ce que montre l'utilisation du pronom « vous » dans la phrase « Vous êtes deux enfants de la nature ». Nous pouvons également préciser que ce « tu » se décline sous la forme de pronoms possessifs « tien », d'adjectifs possessifs « ton », etc. Enfin, il est important de souligner que les deux pronoms (le « nous » et le « tu » ) s'opposent de façon systématique. Le « tien » et le « mien » (pronoms possessifs) apparaissant avec la notion de propriété véhiculée par les français. De même, les deux pronoms sont souvent inversés, le vieillard en utilisant un alors que l'on s'attendrait à ce qu'il utilise l'autre comme dans la phrase « Ce pays est à toi ». Dans cette phrase, le tahitien utilise le pronom personnel tonique « toi » alors que l'on s'attendrait à ce qu'il utilise le « nous ». Enfin, la non-utilisation des pronoms dans la phrase « Tout est à tous » vise à marquer l'égalité entre les deux groupes alors que le tahitiens parle du mode de vie tahitien. De même que pour le jeu des pronoms, l'utilisation des temps dans ce texte est très significative. En effet, le vieillard utilise le présent de vérité générale. On a donc l'impression que ce « sage » parle en proverbes et que les affirmations qu'il énonce sont des vérités éternelles. Cela donne énormément de force à son discours, tout ce qu'il dit apparaît comme censé et surtout véridique. De cette façon, on n'a l'impression que même s'il essayait, Bougainville ne pourrait pas contester, infirmer les propos du vieillard, car ce dernier semble énoncer des faits. Un bon exemple de cela est l'affirmation « le Tahitien est ton frère », qui apparaît comme incontestable et rend la volonté de Bougainville de faire des tahitiens des esclaves totalement injustifiable. Un autre temps important est l'impératif dont l'utilisation amène un retournement complet de situation. En effet, le tahitien exprime son souhait que Bougainville parte sous forme d'ordre (« Écarte promptement ton vaisseau de notre rive », « Laisse-nous nos mœurs ») alors que ce dernier veut faire des tahitiens des esclaves.
b). Un discours structuré qui fonctionne à la manière d'un réquisitoire
Le discours du tahitien est divisé en deux parties. La première partie est un réquisitoire (fait à la manière du discours d'un avocat) critiquant Bougainville et la société occidentale. On y retrouve une énumération des fautes de Bougainville auxquelles on oppose systématiquement les mœurs des tahitiens. Ces oppositions prennent la forme de parallélismes syntaxiques et fonctionnent sur un rythme binaire. C'est ce que l'on peut observer dans la phrase suivante : « elles sont devenues folles dans tes bras, tu es devenu féroce entre les leurs ». L'anaphore du « nous » sert également cette critique de Bougainville, car elle fonctionne comme un martèlement rendant obsédante l'idée que le mode de vie tahitien est meilleur que celui des européens, qui se disent pourtant « civilisés ». Voici quelques exemples de cette anaphore : « nous sommes innocents, nous sommes heureux », « nous suivons le pur instinct de la nature », « nous sommes libres ». Dans cette première partie, le tahitien s'adonne aussi à un retournement complet de situation. En effet, il utilise un raisonnement inversant complètement les rôles des tahitiens et des européens, de sorte qu'au final l'attitude de ces derniers est totalement tournée à l'absurde. C'est en effet le rôle que joue l'hypothèse suivante : « si un tahitien débarquait un jour sur vos côtes ». Il utilise également beaucoup de questions rhétoriques, ces questions ne cherchent pas de réponse (c'est la nature des questions rhétoriques) et sont donc une forme de manipulation puisque la réponse est souvent donnée ou induite. Ainsi, ici, plutôt que d'attendre des réponses et donc d'amorcer un véritable dialogue, ces questions oratoires servent à formuler des accusations : « Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? ». Elles poussent Bougainville à se mettre à la place du peuple tahitien et le lecteur à se positionner en faveur de l'un des deux camps. La deuxième partie du texte sert de conclusion au discours du tahitien. Il y résume son propos et lance un appel à Bougainville en sommant ce dernier (et ses hommes) de quitter Tahiti. C'est en effet ce que laisse entendre la phrase «laisse-nous nos mœurs ».
c). L'importance de la tonalité polémique
L'usage de la tonalité est l'une des principales caractéristiques d'un réquisitoire et le discours, ici, ne fait pas exception à cette règle. Celle-ci est à l'origine d'une grande agressivité perceptible dans le discours et se caractérise dans le texte par les apostrophes injurieuses, les exclamations, les hyperboles, les impératifs, les interjections et les questions rhétoriques : « Tu es plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? ». À tous ces procédés stylistiques s'ajoute bien sûr le tutoiement, mais surtout le champ lexical du vol avec des mots et expressions tels que : «brigand », « le vol de toute une contrée » ou encore « t'emparer ». Celui-ci sert à dévaloriser Bougainville en le dépeignant comme quelqu'un de malhonnête, comme un bandit. Le fait de répéter constamment les termes d' « esclave » et d'« esclavage » sert cette même visée de dévalorisation et crée comme une sorte de martèlement visant à insister sur le caractère inhumain de la conduite de Bougainville et les siens. Enfin, on peut observer dans l'évocation de la violence une gradation dans les énumérations. En effet, on passe de « fureurs inconnues », à « folles », « féroces » et « teintes de sang » (pour ne citer que certains passages). Cela permet d'insister sur la grande indignation que ressent le vieillard face à la violence extrême dont font preuves Bougainville et ses hommes et qu'ils ont transmis aux femmes tahitiennes. En effet, ces deux notions de violence et d'indignation sont omniprésentes dans les paroles du tahitien et sont ressenties de plus en plus au fil du texte, c'est à cela que servent ces gradations.
II). Un blâme de la société occidentale dite « civilisée »
Dans le réquisitoire on voit que la vie des Européens, représentée par Bougainville fait l'objet d'un blâme fonctionnant sur l'utilisation d'antithèses. Ainsi, la conduite des occidentaux se résume à la violence et à la notion propriété qui engendrent la jalousie. Ce sont ces vis qui poussent les européens à s'adonner à l'esclavage, conduit par le désir de domination et d'assujettissement.
a). Le règne de la violence
Dans ce texte, jalousie et violence vont de paires. En effet, chez les tahitiens les femmes sont libres, elles peuvent être avec qui elles veulent : « nos filles et nos femmes nous sont communes », Bougainville a « partagé ce privilège ». Ainsi, c'est à partir du moment où Bougainville leur enseigne que chez lui les femmes ne sont en couple qu'avec un seul homme que la jalousie et la violence commencent : « tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras, tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr, vous vous êtes égorgés pour elles; et elles nous sont revenues teintes de votre sang ». Dans ces phrases, le champ lexical de la violence englobant la jalousie est omniprésent. Ce passage est constitué d'hyperboles, d'énumération à gradations ascendantes et d'accumulations. Ainsi le passage a plus d'impact, il sert à montrer l'immoralité et la violence des occidentaux en montrant la montée progressive de celle-ci grâce à ces énumérations à gradation ascendante. En résumé, la violence dont font preuve les occidentaux et les femmes tahitiennes qui ont subit leur influence devient de plus en plus exacerbée.
b). Les notion de propriété, de vol et d'esclavage
La notion de propriété a été introduite par les occidentaux (« tu nous as prêché je ne sais quelle notion du tien et du mien ». Ce « je ne sais quelle » montre un certain mépris. Ce concept de propriété amène inévitablement celui de vol : « Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ». Cette phrase montre très bien l'intolérance de Bougainville face à ce qu'il pense être du vol et surtout sa réaction démesurée face à cela, alors que lui-même projette « le vol de toute une contrée ». C'est en effet, ce qu'il souhaite faire en faisant des tahitiens des esclaves tout simplement parce qu'il a « découvert » Tahiti. Bougainville se donne en effet le droit d'assujettir une population et ses terres, parce qu'il est le premier européen à avoir mis les pieds sur leur île, malgré le fait qu'elle soit déjà habitée. On voit ici à quel point les européens sont contradictoires, se fâchant pour des bagatelles, mais voulant dominer sur les tahitiens, leur ôtant leur liberté. En fait, il semble que tout doive être tourné vers eux. Cela fait entrevoir un ethnocentrisme poussé à l'extrême de la part des européens. En effet, selon eux, seule leur philosophie et leurs coutumes sont les bonnes.
c). Une redéfinition du terme sauvage
Le fait de mentionner (de façon appuyée) cet ethnocentrisme occidental accentue encore plus le rejet qu'ont les tahitiens face aux coutumes européennes, qui se veulent « civilisées ». Ce rejet, qui est définitif, est clairement exprimé dans cette phrase : « nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières ». L'appellation « inutiles lumières » est ironique, elle met à mal l'ethnocentrisme des occidentaux, qui se pensent civilisés en montrant que ce sont eux les véritables sauvages. En effet, ils qualifient les tahitiens de sauvages alors que ce sont eux qui possèdent un comportement véritablement barbare en voulant mettre tout un peuple en esclavage. Ce passage nous montre donc que l'on a redéfini le terme sauvage, puisque le portrait des européens dressé par le vieillard est très négatif. Ainsi, alors que les européens pensent être les plus civilisés, éduqués. Bref, être ceux qui détiennent le savoir, on se rend compte que le tahitien est fait le plus sage et que c'est Diderot qui s'exprime par sa bouche. En effet, l'auteur a fait du patriarche son porte-parole.
III). L'éloge de société tahitienne est le reflet d'une préocupation propre aux Lumières
L'éloge de la société tahitienne est le reflet d'une préoccupation propre aux Lumières. En effet, la sagesse du discours du vieillard vient appuyer la vision édénique de la société tahitienne qui en ressort. La société tahitienne est ici le reflet du « mythe du bon sauvage », vision idyllique d'une société vivant en harmonie avec la nature que l'utilisation du procédé d'inversion des regards (très populaire à l'époque des Lumières vient renforcer).
a). Un discours sage
L'un des aspects importants à souligner pour montrer la sagesse dont le tahitien fait preuve est sans doute la structure des phrases. En effet, celles-ci ont souvent la structure basique sujet - verbe - complément et un rythme binaire ou ternaire. Elles sont aussi courtes et simples dans leur formulation, tandis que la structure du texte prend la forme de phrases juxtaposées ou reliées par des conjonctions de coordination. Un exemple de cette structure, qui est très solide, serait cette phrase : « Nous suivons le pur instinct de la nature et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère ». Tout cela donne l'impression que le patriarche est très posé, de même que le vocabulaire qu'il utilise, qui est très mesuré, et ce, malgré l'indignation du vieillard et la tonalité polémique omniprésentes dans le discours. Enfin, en opposition à Bougainville dont la réaction a été démesurée lorsqu'on lui a pris ses « bagatelles », le tahitien apparaît comme calme, reposé et censé puisqu'il ne s'en fait pas pour ces petites choses insignifiantes.
b). La mobilisation du « mythe du bon sauvage »
Le discours du tahitien montre que son peuple possède un mode de vie simple. En effet, les choses essentielles sont le bonheur, l'innocence et la tranquillité. À l'origine de ces caractéristiques du mode de vie des tahitiens, on retrouve le fait que ceux-ci suivent « le pur instinct de la nature ». Ainsi, cette société incarne le « mythe du bon sauvage », concept selon lequel la société occidentale n'est pas aussi bonne qu'on ne le pense à cause de toutes ses règles et coutumes qui emprisonnent les gens dans un moule défini par celles-ci. Les philosophes des Lumières pensent qu'une société comme celle décrite ici serait meilleure, plus saine. Le texte montre leur bonheur et le fait que la conduite des occidentaux est en opposition à celui-ci avec la phrase : « nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur ». Cette société tahitienne est aussi basée sur une certaine innocence dans laquelle la notion de copropriété est fortement encrée : « tout est à tous ». Le patriarche tahitien est totalement fermé à toute incorporation des règles occidentales à sa culture, car elles détruiraient l'équilibre, la pureté de sa propre culture, basée également sur des principes de liberté et de tolérance que le patriarche défend dans son discours. Cela est visible, entre autres, avec l'utilisation du champ lexical de la liberté : « nous sommes libres », « défendre sa liberté et mourir ». La liberté est une valeur cruciale, primordiale. Dans le texte, elle est en opposition avec l'esclavage et se manifeste à travers la notion de respect d'autrui ou plutôt de tolérance : « nous avons respecté notre image en toi ». Cette phrase fait également apparaître la notion d'égalité qui s'oppose à la volonté d'assujettissement de Bougainville. Les questions rhétoriques allant des lignes 16 à 20 font également référence à ces notions de liberté, de tolérance et d'égalité. Enfin, nous pouvons faire un commentaire sur le rôle de la phrase suivante : « Laisse-nous nos moeurs ; elles sont plus sages que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières ». En effet, dans cette phrase, les propos du vieillard semblent très durs, elle semble être le point culminant d'un discours cinglant et le résume de façon explicite. Ainsi, la société occidentale est tout bonnement mauvaise. En effet, elle n'est pas fondée sur la liberté et la tolérance, mais sur l'ethnocentrisme, à l'inverse de la société tahitienne au caractère édénique. Ainsi, la question centrale de ce texte est au final la recherche du bonheur. Ce bonheur serait atteignable dans l'État de nature selon Diderot. Dans cet état de nature résident l'ignorance et l'innocence, qui selon Rousseau sont les clés du bonheur (cf : « Discours sur l'origine de l'inégalité des hommes ») de même que dans ce texte.
c). L'importance du procédé d'inversion des regards
Cette mobilisation du mythe du bon sauvage, l'éloge de la société tahitienne, se fonde, dans le texte sur l'utilisation du procédé d'inversion des regards. C'est en effet, par cette prise de parole accordée au tahitien (alors que les peuples colonisés ne l'ont pas d'habitude) que Diderot dénonce les vices de la société européenne et exploite le « mythe du bon sauvage ». Ainsi, il nous semble important d'étudier l'utilisation de ce procédé dans le texte, qui y est omniprésent que ce soit dans l'énonciation ou dans les arguments du tahitien. Le fait de prétendre donner la parole aux esclaves permet d'une certaine manière de leur restituer leur dignité, car on dénonce les sévices qu'ils subissent (à l'époque de Diderot), alors que les européens considéraient qu'ils n'avaient pas d'âme et n'étaient donc pas des humains. Ainsi, le vieillard revendique le fait que les européens et les tahitiens sont égaux ( « le tahitien est ton frère », « vous êtes deux enfants de la nature, quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi »). Cette évocation de l'égalité est renforcée par l'inversion des pronoms (que nous avons mentionnée précédemment) et qui montre que les colons et les tahitiens sont égaux puisqu'ils sont interchangeables. De même, les parallélismes syntaxiques servent à marquer les oppositions en juxtaposant des phrases dont la structure est la même, mais dont le sens est souvent contraire. Enfin, comme nous l'avons mentionné auparavant, l'utilisation de questions rhétoriques vise à obliger les européens à se mettre à la place des tahitiens et remet en cause leur ethnocentrisme. En effet, il est possible que deux sociétés prennent pour vérités des choses différentes et ce sans que l'une en soit pour autant supérieure à l'autre. Ainsi, on appelle les européens au relativisme dans ce texte.
CONCLUSION
Dans ce texte, on peut observer une double énonciation puisque le patriarche s'adresse à Bougainville, mais sert en fait de porte-parole à Diderot qui, par son intermédiaire, s'adresse aux européens. Le discours prend également la forme d'un réquisitoire à forte tonalité polémique fondé sur un procédé d'inversion des regards. Celui-ci permet de faire un éloge de la société tahitienne basé sur le mythe du bon sauvage et de critiquer la société occidentale. Au final, la mise en perspective de ces deux civilisations permet de démontrer que les vrais barbares sont les européens et non les tahitiens.
Diderot est un philosophe des Lumières né en 1713. Il est issu d'une famille bourgeoise et est au départ destiné à être prêtre. Finalement, il vivra une vie de bohème. Ainsi, il est de tous les salons, crée une sorte de synergie et fréquente beaucoup de scientifiques. Diderot est un athée matérialiste et épicurien, qui s'intéresse au corps comme à une machine. Il passa à la postérité en devenant un représentant de son siècle et en étant un des créateurs de l'encyclopédie. En 1747, il entama la rédaction de l'encyclopédie dont le but était de faire la somme des connaissances disponibles en s'appuyant sur la raison, l'esprit d'examen. Ainsi, le projet visait à contrecarrer la superstition et l'obscurantisme ambiants de l'époque. La rédaction de l'encyclopédie durera jusqu'en 1765. Quelques années plus tard, sa visite à Catherine II de Russie l'épuisera et mettra fin à son idée de despote éclairé. Le Supplément au voyage de Bougainville est une réponse fictive au récit de voyage de l'explorateur Bougainville qui avait « découvert » l'Océanie. Dans ce texte, Diderot donne la parole aux victimes de la colonisation, les tahitiens dans le cas présent. Il joue donc sur le procédé d'inversion des regards pour dénoncer l'injustice de cette situation et au passage montrer du doigt les faiblesses des sociétés occidentales qui se disent pourtant « évoluées ». C'est un procédé stylistique très à la mode à l'époque de Diderot. L'extrait étudié ici est issu d'un dialogue et prend la forme d'un réquisitoire possédant une forte tonalité polémique. En quoi ce discours, prenant la forme d'un réquisitoire et critiquant la Bougainville et plus largement la société occidentale, fait-il, de manière sous-jacente, l'éloge de la vie sauvage ? Dans ce texte, la stratégie argumentative repose sur un réquisitoire qui fait un blâme de la société occidentale et l'éloge de la société tahitienne. Diderot mobilise ainsi le mythe du bon sauvage, préoccupation propre aux Lumières.
I). Le réquisitoire au coeur de la stratégie argumentative
a). Énonciation et utilisation des temps
Dans le texte, le pronom « nous » désigne le patriarche et le reste des tahitiens. Cela crée un collectif et donne de la force au discours. Le vieillard parle au nom des tahitiens et ceux-ci l'appuient dans ce qu'il dit. Ce pronom montre également l'importance de la communauté chez les tahitiens et l'harmonie qui y règne. Ainsi, il utilise le pronom « je» une seule fois dans le texte. Il oppose à ce « nous » le pronom « tu », qui désigne Bougainville. Au premier abord, on pourrait penser que ce « tu » sert à le dévaloriser. Cependant, il sert plutôt à créer un rapprochement entre Bougainville et les tahitiens, rappelant que ceux-ci sont frères, ce qui les rend égaux. C'est en effet ce que montre l'utilisation du pronom « vous » dans la phrase « Vous êtes deux enfants de la nature ». Nous pouvons également préciser que ce « tu » se décline sous la forme de pronoms possessifs « tien », d'adjectifs possessifs « ton », etc. Enfin, il est important de souligner que les deux pronoms (le « nous » et le « tu » ) s'opposent de façon systématique. Le « tien » et le « mien » (pronoms possessifs) apparaissant avec la notion de propriété véhiculée par les français. De même, les deux pronoms sont souvent inversés, le vieillard en utilisant un alors que l'on s'attendrait à ce qu'il utilise l'autre comme dans la phrase « Ce pays est à toi ». Dans cette phrase, le tahitien utilise le pronom personnel tonique « toi » alors que l'on s'attendrait à ce qu'il utilise le « nous ». Enfin, la non-utilisation des pronoms dans la phrase « Tout est à tous » vise à marquer l'égalité entre les deux groupes alors que le tahitiens parle du mode de vie tahitien. De même que pour le jeu des pronoms, l'utilisation des temps dans ce texte est très significative. En effet, le vieillard utilise le présent de vérité générale. On a donc l'impression que ce « sage » parle en proverbes et que les affirmations qu'il énonce sont des vérités éternelles. Cela donne énormément de force à son discours, tout ce qu'il dit apparaît comme censé et surtout véridique. De cette façon, on n'a l'impression que même s'il essayait, Bougainville ne pourrait pas contester, infirmer les propos du vieillard, car ce dernier semble énoncer des faits. Un bon exemple de cela est l'affirmation « le Tahitien est ton frère », qui apparaît comme incontestable et rend la volonté de Bougainville de faire des tahitiens des esclaves totalement injustifiable. Un autre temps important est l'impératif dont l'utilisation amène un retournement complet de situation. En effet, le tahitien exprime son souhait que Bougainville parte sous forme d'ordre (« Écarte promptement ton vaisseau de notre rive », « Laisse-nous nos mœurs ») alors que ce dernier veut faire des tahitiens des esclaves.
b). Un discours structuré qui fonctionne à la manière d'un réquisitoire
Le discours du tahitien est divisé en deux parties. La première partie est un réquisitoire (fait à la manière du discours d'un avocat) critiquant Bougainville et la société occidentale. On y retrouve une énumération des fautes de Bougainville auxquelles on oppose systématiquement les mœurs des tahitiens. Ces oppositions prennent la forme de parallélismes syntaxiques et fonctionnent sur un rythme binaire. C'est ce que l'on peut observer dans la phrase suivante : « elles sont devenues folles dans tes bras, tu es devenu féroce entre les leurs ». L'anaphore du « nous » sert également cette critique de Bougainville, car elle fonctionne comme un martèlement rendant obsédante l'idée que le mode de vie tahitien est meilleur que celui des européens, qui se disent pourtant « civilisés ». Voici quelques exemples de cette anaphore : « nous sommes innocents, nous sommes heureux », « nous suivons le pur instinct de la nature », « nous sommes libres ». Dans cette première partie, le tahitien s'adonne aussi à un retournement complet de situation. En effet, il utilise un raisonnement inversant complètement les rôles des tahitiens et des européens, de sorte qu'au final l'attitude de ces derniers est totalement tournée à l'absurde. C'est en effet le rôle que joue l'hypothèse suivante : « si un tahitien débarquait un jour sur vos côtes ». Il utilise également beaucoup de questions rhétoriques, ces questions ne cherchent pas de réponse (c'est la nature des questions rhétoriques) et sont donc une forme de manipulation puisque la réponse est souvent donnée ou induite. Ainsi, ici, plutôt que d'attendre des réponses et donc d'amorcer un véritable dialogue, ces questions oratoires servent à formuler des accusations : « Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? ». Elles poussent Bougainville à se mettre à la place du peuple tahitien et le lecteur à se positionner en faveur de l'un des deux camps. La deuxième partie du texte sert de conclusion au discours du tahitien. Il y résume son propos et lance un appel à Bougainville en sommant ce dernier (et ses hommes) de quitter Tahiti. C'est en effet ce que laisse entendre la phrase «laisse-nous nos mœurs ».
c). L'importance de la tonalité polémique
L'usage de la tonalité est l'une des principales caractéristiques d'un réquisitoire et le discours, ici, ne fait pas exception à cette règle. Celle-ci est à l'origine d'une grande agressivité perceptible dans le discours et se caractérise dans le texte par les apostrophes injurieuses, les exclamations, les hyperboles, les impératifs, les interjections et les questions rhétoriques : « Tu es plus fort ! Et qu'est-ce que cela fait ? ». À tous ces procédés stylistiques s'ajoute bien sûr le tutoiement, mais surtout le champ lexical du vol avec des mots et expressions tels que : «brigand », « le vol de toute une contrée » ou encore « t'emparer ». Celui-ci sert à dévaloriser Bougainville en le dépeignant comme quelqu'un de malhonnête, comme un bandit. Le fait de répéter constamment les termes d' « esclave » et d'« esclavage » sert cette même visée de dévalorisation et crée comme une sorte de martèlement visant à insister sur le caractère inhumain de la conduite de Bougainville et les siens. Enfin, on peut observer dans l'évocation de la violence une gradation dans les énumérations. En effet, on passe de « fureurs inconnues », à « folles », « féroces » et « teintes de sang » (pour ne citer que certains passages). Cela permet d'insister sur la grande indignation que ressent le vieillard face à la violence extrême dont font preuves Bougainville et ses hommes et qu'ils ont transmis aux femmes tahitiennes. En effet, ces deux notions de violence et d'indignation sont omniprésentes dans les paroles du tahitien et sont ressenties de plus en plus au fil du texte, c'est à cela que servent ces gradations.
II). Un blâme de la société occidentale dite « civilisée »
Dans le réquisitoire on voit que la vie des Européens, représentée par Bougainville fait l'objet d'un blâme fonctionnant sur l'utilisation d'antithèses. Ainsi, la conduite des occidentaux se résume à la violence et à la notion propriété qui engendrent la jalousie. Ce sont ces vis qui poussent les européens à s'adonner à l'esclavage, conduit par le désir de domination et d'assujettissement.
a). Le règne de la violence
Dans ce texte, jalousie et violence vont de paires. En effet, chez les tahitiens les femmes sont libres, elles peuvent être avec qui elles veulent : « nos filles et nos femmes nous sont communes », Bougainville a « partagé ce privilège ». Ainsi, c'est à partir du moment où Bougainville leur enseigne que chez lui les femmes ne sont en couple qu'avec un seul homme que la jalousie et la violence commencent : « tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras, tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr, vous vous êtes égorgés pour elles; et elles nous sont revenues teintes de votre sang ». Dans ces phrases, le champ lexical de la violence englobant la jalousie est omniprésent. Ce passage est constitué d'hyperboles, d'énumération à gradations ascendantes et d'accumulations. Ainsi le passage a plus d'impact, il sert à montrer l'immoralité et la violence des occidentaux en montrant la montée progressive de celle-ci grâce à ces énumérations à gradation ascendante. En résumé, la violence dont font preuve les occidentaux et les femmes tahitiennes qui ont subit leur influence devient de plus en plus exacerbée.
b). Les notion de propriété, de vol et d'esclavage
La notion de propriété a été introduite par les occidentaux (« tu nous as prêché je ne sais quelle notion du tien et du mien ». Ce « je ne sais quelle » montre un certain mépris. Ce concept de propriété amène inévitablement celui de vol : « Lorsqu'on t'a enlevé une des méprisables bagatelles dont ton bâtiment est rempli, tu t'es récrié, tu t'es vengé ». Cette phrase montre très bien l'intolérance de Bougainville face à ce qu'il pense être du vol et surtout sa réaction démesurée face à cela, alors que lui-même projette « le vol de toute une contrée ». C'est en effet, ce qu'il souhaite faire en faisant des tahitiens des esclaves tout simplement parce qu'il a « découvert » Tahiti. Bougainville se donne en effet le droit d'assujettir une population et ses terres, parce qu'il est le premier européen à avoir mis les pieds sur leur île, malgré le fait qu'elle soit déjà habitée. On voit ici à quel point les européens sont contradictoires, se fâchant pour des bagatelles, mais voulant dominer sur les tahitiens, leur ôtant leur liberté. En fait, il semble que tout doive être tourné vers eux. Cela fait entrevoir un ethnocentrisme poussé à l'extrême de la part des européens. En effet, selon eux, seule leur philosophie et leurs coutumes sont les bonnes.
c). Une redéfinition du terme sauvage
Le fait de mentionner (de façon appuyée) cet ethnocentrisme occidental accentue encore plus le rejet qu'ont les tahitiens face aux coutumes européennes, qui se veulent « civilisées ». Ce rejet, qui est définitif, est clairement exprimé dans cette phrase : « nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières ». L'appellation « inutiles lumières » est ironique, elle met à mal l'ethnocentrisme des occidentaux, qui se pensent civilisés en montrant que ce sont eux les véritables sauvages. En effet, ils qualifient les tahitiens de sauvages alors que ce sont eux qui possèdent un comportement véritablement barbare en voulant mettre tout un peuple en esclavage. Ce passage nous montre donc que l'on a redéfini le terme sauvage, puisque le portrait des européens dressé par le vieillard est très négatif. Ainsi, alors que les européens pensent être les plus civilisés, éduqués. Bref, être ceux qui détiennent le savoir, on se rend compte que le tahitien est fait le plus sage et que c'est Diderot qui s'exprime par sa bouche. En effet, l'auteur a fait du patriarche son porte-parole.
III). L'éloge de société tahitienne est le reflet d'une préocupation propre aux Lumières
L'éloge de la société tahitienne est le reflet d'une préoccupation propre aux Lumières. En effet, la sagesse du discours du vieillard vient appuyer la vision édénique de la société tahitienne qui en ressort. La société tahitienne est ici le reflet du « mythe du bon sauvage », vision idyllique d'une société vivant en harmonie avec la nature que l'utilisation du procédé d'inversion des regards (très populaire à l'époque des Lumières vient renforcer).
a). Un discours sage
L'un des aspects importants à souligner pour montrer la sagesse dont le tahitien fait preuve est sans doute la structure des phrases. En effet, celles-ci ont souvent la structure basique sujet - verbe - complément et un rythme binaire ou ternaire. Elles sont aussi courtes et simples dans leur formulation, tandis que la structure du texte prend la forme de phrases juxtaposées ou reliées par des conjonctions de coordination. Un exemple de cette structure, qui est très solide, serait cette phrase : « Nous suivons le pur instinct de la nature et tu as tenté d'effacer de nos âmes son caractère ». Tout cela donne l'impression que le patriarche est très posé, de même que le vocabulaire qu'il utilise, qui est très mesuré, et ce, malgré l'indignation du vieillard et la tonalité polémique omniprésentes dans le discours. Enfin, en opposition à Bougainville dont la réaction a été démesurée lorsqu'on lui a pris ses « bagatelles », le tahitien apparaît comme calme, reposé et censé puisqu'il ne s'en fait pas pour ces petites choses insignifiantes.
b). La mobilisation du « mythe du bon sauvage »
Le discours du tahitien montre que son peuple possède un mode de vie simple. En effet, les choses essentielles sont le bonheur, l'innocence et la tranquillité. À l'origine de ces caractéristiques du mode de vie des tahitiens, on retrouve le fait que ceux-ci suivent « le pur instinct de la nature ». Ainsi, cette société incarne le « mythe du bon sauvage », concept selon lequel la société occidentale n'est pas aussi bonne qu'on ne le pense à cause de toutes ses règles et coutumes qui emprisonnent les gens dans un moule défini par celles-ci. Les philosophes des Lumières pensent qu'une société comme celle décrite ici serait meilleure, plus saine. Le texte montre leur bonheur et le fait que la conduite des occidentaux est en opposition à celui-ci avec la phrase : « nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur ». Cette société tahitienne est aussi basée sur une certaine innocence dans laquelle la notion de copropriété est fortement encrée : « tout est à tous ». Le patriarche tahitien est totalement fermé à toute incorporation des règles occidentales à sa culture, car elles détruiraient l'équilibre, la pureté de sa propre culture, basée également sur des principes de liberté et de tolérance que le patriarche défend dans son discours. Cela est visible, entre autres, avec l'utilisation du champ lexical de la liberté : « nous sommes libres », « défendre sa liberté et mourir ». La liberté est une valeur cruciale, primordiale. Dans le texte, elle est en opposition avec l'esclavage et se manifeste à travers la notion de respect d'autrui ou plutôt de tolérance : « nous avons respecté notre image en toi ». Cette phrase fait également apparaître la notion d'égalité qui s'oppose à la volonté d'assujettissement de Bougainville. Les questions rhétoriques allant des lignes 16 à 20 font également référence à ces notions de liberté, de tolérance et d'égalité. Enfin, nous pouvons faire un commentaire sur le rôle de la phrase suivante : « Laisse-nous nos moeurs ; elles sont plus sages que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre ignorance, contre tes inutiles lumières ». En effet, dans cette phrase, les propos du vieillard semblent très durs, elle semble être le point culminant d'un discours cinglant et le résume de façon explicite. Ainsi, la société occidentale est tout bonnement mauvaise. En effet, elle n'est pas fondée sur la liberté et la tolérance, mais sur l'ethnocentrisme, à l'inverse de la société tahitienne au caractère édénique. Ainsi, la question centrale de ce texte est au final la recherche du bonheur. Ce bonheur serait atteignable dans l'État de nature selon Diderot. Dans cet état de nature résident l'ignorance et l'innocence, qui selon Rousseau sont les clés du bonheur (cf : « Discours sur l'origine de l'inégalité des hommes ») de même que dans ce texte.
c). L'importance du procédé d'inversion des regards
Cette mobilisation du mythe du bon sauvage, l'éloge de la société tahitienne, se fonde, dans le texte sur l'utilisation du procédé d'inversion des regards. C'est en effet, par cette prise de parole accordée au tahitien (alors que les peuples colonisés ne l'ont pas d'habitude) que Diderot dénonce les vices de la société européenne et exploite le « mythe du bon sauvage ». Ainsi, il nous semble important d'étudier l'utilisation de ce procédé dans le texte, qui y est omniprésent que ce soit dans l'énonciation ou dans les arguments du tahitien. Le fait de prétendre donner la parole aux esclaves permet d'une certaine manière de leur restituer leur dignité, car on dénonce les sévices qu'ils subissent (à l'époque de Diderot), alors que les européens considéraient qu'ils n'avaient pas d'âme et n'étaient donc pas des humains. Ainsi, le vieillard revendique le fait que les européens et les tahitiens sont égaux ( « le tahitien est ton frère », « vous êtes deux enfants de la nature, quel droit as-tu sur lui qu'il n'ait pas sur toi »). Cette évocation de l'égalité est renforcée par l'inversion des pronoms (que nous avons mentionnée précédemment) et qui montre que les colons et les tahitiens sont égaux puisqu'ils sont interchangeables. De même, les parallélismes syntaxiques servent à marquer les oppositions en juxtaposant des phrases dont la structure est la même, mais dont le sens est souvent contraire. Enfin, comme nous l'avons mentionné auparavant, l'utilisation de questions rhétoriques vise à obliger les européens à se mettre à la place des tahitiens et remet en cause leur ethnocentrisme. En effet, il est possible que deux sociétés prennent pour vérités des choses différentes et ce sans que l'une en soit pour autant supérieure à l'autre. Ainsi, on appelle les européens au relativisme dans ce texte.
CONCLUSION
Dans ce texte, on peut observer une double énonciation puisque le patriarche s'adresse à Bougainville, mais sert en fait de porte-parole à Diderot qui, par son intermédiaire, s'adresse aux européens. Le discours prend également la forme d'un réquisitoire à forte tonalité polémique fondé sur un procédé d'inversion des regards. Celui-ci permet de faire un éloge de la société tahitienne basé sur le mythe du bon sauvage et de critiquer la société occidentale. Au final, la mise en perspective de ces deux civilisations permet de démontrer que les vrais barbares sont les européens et non les tahitiens.
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